Application des charges sociales aux plus-values réalisées par les managers : ne laissons pas l’incompréhension s’installer
Depuis plusieurs années, l’administration fiscale tend à adopter dans le cadre de ses contrôles une position dure à l’égard des investissements réalisés par les managers clés impliqués dans les opérations de type leverage buy out (LBO).
Dans le cadre de ces opérations, les fonds d’investissement permettent, en effet, aux managers d’investir à leurs côtés en tant qu’actionnaires dans des instruments offrant un couple risque/rentabilité différent du leur et permettant aux managers d’appréhender à la sortie du LBO, en cas de réussite économique de l’opération, une fraction des gains supérieure à celle qui leur aurait été dévolue sur la base d’une allocation strictement proportionnelle.
L’administration fiscale tend ainsi à redresser les managers qui réalisent des plus-values importantes sur ces instruments en requalifiant tout ou partie de celles-ci en salaires.
Il a toujours été considéré par les professionnels que ne pouvait être totalement écarté le risque d’une dérive de ces redressements sur le terrain des charges sociales à l’initiative des administrations en charge du recouvrement des charges sociales.
L’URSSAF d’Île-de-France a fait sienne cette possibilité dans l’affaire jugée par la Cour d’appel de Paris, de façon très inédite pour les juridictions sociales.
Au cas particulier, les managers avaient investi dans des bons de souscription d’action (« BSA ») en 2004 avant de les revendre en 2009, réalisant par-là même un profit que l’URSSAF a, dans son intégralité, soumis aux cotisations sociales dans le cadre d’un contrôle. La Cour d’appel de Paris a écarté les arguments invoqués par le plaignant, pourtant pertinents, et confirmé le redressement opéré.
La Cour s’appuie principalement sur une lecture très discutable des dispositions de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale pour considérer, d’une part, que le seul investissement dans les BSA réalisé par les managers constitue par lui-même un avantage qui leur est accordé en contrepartie ou à l’occasion de leurs fonctions dans le groupe et, d’autre part, que la valeur de cet avantage ne peut qu’être égale à la plus-value totale réalisée lors de la cession des BSA.
Cette décision inédite pose de nombreuses questions et apparaît extrêmement contestable, d’un point de vue tant économique que juridique. Elle ne prend en effet pas en compte de façon satisfaisante la double casquette du manager dans les opérations de LBO qui est rémunéré au titre de son travail, sous forme d’un salaire (ou rémunération de mandataire, le cas échéant), mais qui est également un investisseur supportant un risque en capital. Précisons qu’au cas d’espèce rien n’indique d’ailleurs que le prix d’acquisition des BSA ait donné lieu à un quelconque rabais par rapport à leur valeur réelle.
En outre, à supposer même que la possibilité d’investir au capital puisse être considérée comme un avantage en lien avec les fonctions exercées dans le groupe, évaluer cet avantage au montant total de la plus-value, sans même rechercher, notamment, si un quelconque avantage en nature sous forme de rabais sur le prix d’acquisition des titres aurait été accordé aux managers, apparaît particulièrement critiquable.
Il est par conséquent souhaitable que la Cour de cassation écarte rapidement la lecture des dispositions de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale adoptée par la Cour d’appel et retienne une analyse plus circonstanciée de ce type de mécanisme d’investissement, comme tendent à le faire au fur et à mesure les juridictions administratives en matière fiscale, afin de ne pas laisser s’installer le doute et l’incompréhension.