Motivation des licenciements : de nouvelles règles en matière de procédure
Dès à présent, l’employeur pourra préciser a posteriori le motif du licenciement, ce qui atténue fortement la portée de l’un des principes essentiels en matière de droit du licenciement selon lequel « la lettre de licenciement fixe les limites du litige » et qui était durement sanctionné par les juges prud’homaux. Pour mémoire, toute insuffisance ou imprécision dans la motivation du licenciement – au stade de la lettre de notification de la rupture – rendait le licenciement nécessairement sans cause réelle et sérieuse (Cass. ass. plén. 27 novembre 1998, n°97-40.423, n°96-40.199 et n°96-44.358).
Aujourd’hui, et ce même pour les procédures de licenciement en cours (c’est-à-dire pour les licenciements qui n’ont pas été encore prononcés), l’employeur est donc autorisé à préciser les motifs, et ce après avoir envoyé la lettre de licenciement, dans les deux hypothèses suivantes :
■ lorsqu’il souhaite préciser la justification du licenciement, à sa propre initiative. Il doit alors le faire dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement,
■ lorsqu’il est contraint de le faire, à la suite d’une demande du salarié. La procédure étant alors la suivante :
o dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, le salarié pourra demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé,
o à réception d’une telle demande, l’employeur disposera alors d’un délai de quinze jours pour apporter des précisions s’il le souhaite (et non compléter le motif comme cela avait été initialement envisagé par le gouvernement).
Désormais, ce n’est donc qu’après les précisions éventuelles apportées par l’employeur que les limites du litige sont fixées.
Toutefois, en aucun cas l’employeur ne peut ajouter de nouveaux motifs.
Cette nouvelle procédure a elle-même des conséquences sur les sanctions d’une insuffisance de motivation puisque le nouvel article L. 1235-2 du Code du travail dispose dorénavant qu’à défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande de précision, « l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire ».
Trois cas de figure pourront ainsi se rencontrer :
■ Cas n°1 : le salarié licencié n’a pas formulé de demande de précision auprès de l’employeur
Dans cette hypothèse, l’insuffisance dans la motivation de la lettre de licenciement ne privera pas le licenciement, à elle seule, de cause réelle et sérieuse. Le salarié pourra ainsi seulement prétendre à une indemnité égale à un mois de salaire maximum.
■ Cas n°2 : le salarié licencié a formulé une demande de précision à laquelle l’employeur n’a pas donné de suite
Le juge pourra décider que cette absence ou insuffisance de motivation entraîne un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
■ Cas n°3 : le salarié licencié a formulé une demande de précision à laquelle l’employeur a répondu ou l’employeur a précisé le motif à sa propre initiative
Dans ces deux hypothèses, le juge exercera son pouvoir d’appréciation sur les motifs invoqués pour rechercher si le licenciement est bien justifié.
A la lecture du décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 établissant des modèles types de lettres de notification de licenciement, l’employeur devrait mentionner expressément, dans la lettre de licenciement, la faculté offerte au salarié de demander des précisions sur le motif de son licenciement dans les quinze jours suivant la notification de la lettre ainsi que la faculté pour l’employeur d’y donner suite dans un délai de quinze jours ou de prendre lui-même l’initiative d’apporter des précisions sur le motif invoqué.
Cette réforme entraînera sans doute des contentieux sur une nouvelle question de fond : l’employeur a-t-il uniquement précisé la motivation du licenciement ou est-il allé beaucoup plus loin, en apportant des arguments nouveaux, qui sont quant à eux toujours irrecevables ? Il appartiendra aux juges prud’homaux de trancher cette question, au cas par cas, ce qui pourrait devenir une source supplémentaire d’insécurité juridique pour une réforme qui cherchait au contraire la sécurisation des relations de travail.